La tour d’amour de Rachilde

7 janvier 2024 § 5 Commentaires

Ile de Sein. Carte postale, circa 1900.

Le phare d’Armen, au large de l’île de Sein, est battu par les flots déchaînés. Son gardien, le vieux Barnabas, doit avoir un apprenti pour prendre sa relève. Le jeune Jean Maleux, retenu pour cette mission, est emmené au phare où il trouve Barnabas qui, dans la solitude du métier, s’est ensauvagé, parlant à peine et ne sachant plus lire. Comme des prisonniers, Mathurin Barnabas et le jeune Jean Maleux luttent contre les vagues de l’océan déchaînées, entretiennent les feux pour guider les navires au large d’Ouessant.

Et soudain, Jean Maleux découvre la perversion de Barnabas.

Publié en 1899, La tour d’amour de Rachilde est un roman fin de siècle, décadent et sulfureux. On peut convoquer Huysmans, Jules Barbey d’Aurevilly, Péladan. En appeler à Gustave Moreau. On retrouve quelques thèmes, des références. Une dimension scandaleuse imprègne cependant ce court roman. C’est le sexe et la perversion.

Le phare se dressait, énorme, tendu comme une menace vers les cieux, s’érigeait, colossal, dans la direction de cette gueule d’ombre, de cette noire fêlure de la clarté céleste, car il y était attiré par le suprême devoir d’être aussi grand que Dieu.

Et aucun contemporain ne s’y est laissé prendre. Le stupre, le désir, les fantasmes féminins, les actes contre-nature, dans un environnement on ne peut plus sexualisé, entre ce phare, la lune et l’océan.

Rachilde est une femme d’opinion, bien peu diplomate. Contre son époque, elle met en avant sa liberté et rejette une certaine morale, une certaine distribution des sexes. Aujourd’hui, on dirait qu’elle interroge le genre. Mais, attention, elle n’apprécie pas les féministes (elle a même écrit un libelle pour s’expliquer). Non, Rachilde est avant tout libre de sa vie, de ses actes, de ses désirs.

Marguerite Eymery (1860-1953) est née dans le Périgord. Son père, Joseph Eymery, est le fils naturel du marquis d’Ormoy. Sa mère, fille du rédacteur en chef du Courrier du Nord, appartient à une vieille famille bourgeoise et a été richement dotée. Elevé à la dure, Marguerite décide qu’elle sera reporter. Elle finira même comme critique littéraire redoutée au Mercure de France. En attendant, elle obtient le droit de ne pas porter robe et fait imprimer des cartes de visite : Rachilde, homme de lettres.

Un livre à relire d’urgence, en profitant de sa nouvelle parution. Sauf, bien entendu, si vous pensez que les auteurs contemporains, avec leurs auto-fictions, ont défriché un nouveau territoire pour la femme.

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