Code source de William Gibson

5 novembre 2023 § Poster un commentaire

Colombian Star
Le Colombian Star, dans l’estuaire de l’Escaut (© hpgruesen).

Lire Gibson a quelque chose de déstabilisant. La froideur du style, éminemment descriptif et sans affect. Un environnement qui semble quotidien, une intrigue assez mainstream, et pourtant, il s’agit de science-fiction. Mais ce n’est plus du cyberpunk.
Un drôle d’objet donc.

Et les universitaires ne s’y trompent pas, qui consacrent des études aux œuvres de Gibson, comme celle-là. Les héros sont « modernes », star du rock, influenceurs ou DJ. Leur univers englobe le cyber-espace, l’infosphère, comme les réseaux sociaux. C’est ainsi que Hollis Henry, ancienne star du rock reconvertie à l’écriture, est envoyée à Los Angeles pour enquêter sur une nouvelle forme d’art. Un art qui mêle virtuel, réalité augmentée et GPS. Mais également le big-data. Des artistes construisent des installations virtuelles et les cachent. Il faut donc trouver leur point GPS et s’y rendre…
En parallèle, Hollis Henry s’aperçoit que beaucoup de gens s’intéressent à un mystérieux container. Embarqué sur un navire, il parcourt le monde, chargé et déchargé dans les plus grands terminaux, caché parmi les 6000 à 7000 boîtes que recèle les modernes porte-conteneurs. Une vision hallucinatoire de la mondialisation vue par le petit bout de la lorgnette, parmi les soutiers du transport maritime.
En fait, le génie de William Gibson réside dans ces petits riens. Parler de réalité augmentée, de big-data en 2007, c’est quand même assez fort ! Tous les personnages se meuvent dans un monde parasité par les marques. Personne n’utilise un ordinateur ou un téléphone. Hollis Henry ouvre son MacBook, cherche son iPod ou croise un personnage drapé dans un perfecto ou un burberry. D’aucuns crient au scandale, à la « notice de montage parsemée de dit-il » (critique de Bifrost). C’est loin d’être faux. Dans les années 1980, la découverte des premiers MacDo m’avait pareillement scandalisée : tout n’était que marques. Il fallait accompagner son burger d’un Tropicana ou d’une bouteille d’EVIAN. Surtout pas d’un jus d’orange ou d’une bouteille d’eau. Et aujourd’hui ? Les gens hypes dorment sur le trottoir pour être les premiers à posséder le dernier IPhone, achètent à prix d’or un jean’s déchiré qu’un SDF ne regarderait même pas, voire arborent un objet manufacturé en des milliers d’exemplaire, d’une couleur inhabituelle. En un mot, le collector que tout le monde doit posséder et qui n’a de rare que le prix. Qu’il est loin le temps où mon disquaire sortait de sous le comptoir un 45 tours d’une couleur acidulée en me glissant « j’ai pu en avoir trois » !
Je crois que c’est dans cette déréliction que William Gibson excelle. Je ne serai pas étonné qu’il fasse écrire son prochain livre par une IA ! En tous cas, dans ce roman très mal traduit, il poursuit les buts énoncés dans Identification des schémas (2003) et continués de main de maître dans Histoire zéro (2013).
C’est pour ces riens, ces personnages incultes, obnubilés par les signes extérieurs des grandes compagnies mondialisées, c’est pour cet univers façonné par les marques et les firmes transnationales, qu’il faut lire Gibson. Pour ce futur qui se profile, aussi beau et vain qu’une publicité pour parfum…..

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