L’homme sauvage de Frédéric Boutet

2 juin 2020 § 2 Commentaires

Frédéric Boutet

Frédéric Boutet (©Babelio)

L’homme sauvage de Frédéric Boutet (1870-19041) est un petit ouvrage exhumé par David Vincent et publié par L’Eveilleur. Drôle de destin et pour l’homme, et pour l’ouvrage ! Publié en 1902, L’homme sauvage connu un succès d’estime. Le succès est un
peu plus au rendez-vous lors des rééditions, en 1912 et en 1922. Pourtant, tout dans ce petit opuscule d’une centaine de pages est mis en œuvre pour nous faire rire. C’est tout d’abord le portrait charge de la presse et en l’occurrence d’un gratte-papier arriviste qui ne recule devant aucune outrance et pas même la vérité pour sortir l’affaire qui fera enfin connaître son génie. C’est l’huissier Cormoran qui se charge de raconter toute l’aventure, et qui, parce qu’il est un huissier, atteste que son exploit ne recèle que la vérité. En bon huissier, c’est un personnage étriqué, à la vie aussi chaleureuse et petite qu’un constat, mais engoncé dans la respectabilité. C’est un homme politique qui pense tout résoudre par sa simple présence et ses discours creux, puisque qu’il est sénateur et multi-décoré. Il subira donc les pires outrances, essayant une unique fois de se révolter :

« M. le sénateur Truie vient de se révolter contre son bourreau […] Il l’insultait en même temps : – Babouin ! Crapule ! Concussionnaire ! Sénateur ! criait-il. Le quadrumane vexé le mordit cruellement (p. 69). »

Car ce roman foutraque au style nerveux flirte également avec l’anarchisme fin de siècle. L’histoire est celle d’un fait divers. En effet, lors d’un déjeuner, le lustre de la salle à manger d’un bon bourgeois tombe dans la soupière. Pire, des racines traversent le plafond d’une autre pièce et

« Dans ce local détourné de sa destination primordiale qui était d’abriter l’existence vertueuse et sereine de quelque famille honorable… (p. 49). »

C’est est trop, notre chef de bureau demande réparation devant les tribunaux contre ce voisin détesté. Comme il reste sourd à toutes les voies de la justice, une équipe composée notamment du serrurier, du commissaire de police, du propriétaire de l’immeuble et d’un grand sénateur accompagne l’huissier lors de la remise de la sommation. La porte de l’appartement s’ouvre et ils rencontrent l’homme sauvage.

Si, de prime abord, le récit bascule dans le fantastique en dépeignant la jungle dans laquelle l’homme sauvage vit en compagnie de quelques gorilles, d’un vautour en mal de couvaison, d’un babouin cruel ou d’un  boa constrictor sentimental, il ne faut pourtant pas se laisser pigeonner : il s’agit bien d’une société éminemment humaine et cette collectivité ne va pas se rendre aux décisions de la justice sans résister afin de tenter par tout les moyens de conserver son utopie. Et le récit devient celui de la lutte entre les pouvoirs publics responsables de l’ordre et de la sécurité de notre société, pour ne pas parler de sa morale, contre de dangereux hurluberlus qui menacent de dynamiter l’ordre social de la planète entière par leur existence même. Heureusement, l’intervention d’un milliardaire évergète surnommé Le roi de l’esturgeon, en raison de la conserverie qui a fait sa richesse, va permettre de résoudre l’effroyable bras de fer et empêcher qu’un bain de sang ne noie tout les protagonistes de cette affreuse affaire.

L’éditeur présente ainsi cet ouvrage :

« Ressorti de l’oubli, Frédéric Boutet (1874-1941) livre ici un conte de l’imaginaire où le fantastique se mélange à l’absurde et à l’humour le plus éreintant. L’on ne s’étonne guère d’apprendre qu’en 1929, la Société des Gens de lettres lui décerne le prix du Président de la République pour l’ensemble de son œuvre, successivement influencée par le fantastique, l’occultisme et le réalisme. »

Un dernier élément. L’ouvrage est précédé d’une intéressante préface de Claude Deméocq qui a le mérite de nous présenter le destin étonnant de Frédéric Boutet. Cette courte biographie, à elle seule, justifierai l’achat de ce livre.  Et de plus, elle remet dans une perspective historique ce curieux et loufoque petit roman. Deux raisons d’acquérir  au plus vite ce livre pour pouvoir ré-entraîner ses zygomatiques rouillés par le confinement due au COVID-19.

 

 

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